lundi 16 octobre 2017

Conduire à Mettet

Viva la liberta ! Le week-end dernier, j'ai fait un stage de pilotage à Mettet ! J'ai conduit une Porsche durant une trentaine de minutes, et ce dans les meilleures conditions qui soient : sur un circuit de course ! Autant vous dire que j'ai mis la gomme dès que je le pouvais. Je vous laisse imaginer les sensations qu'on éprouve dans ces moments-là. Ça m'a fait un bien immense, de pouvoir piloter dans de telles conditions. J'adore prendre le volant. Depuis tout gosse, en fait. Quand mes petits camarades rêvaient tous de devenir pompiers ou astronautes, je rêvais de devenir chauffeur de taxi. Et ce rêve a mis longtemps a disparaître ! Pourtant, j'observe depuis quelques temps que sur la route, je ne prends plus tant de plaisir que ça. Entre les embouteillages et les innombrables limitations de vitesse qui apparaissent chaque jour, la conduite est devenue carrément tuante, par moments. Et c'est tout de même assez exaspérant, si on y réfléchit. Je me souviens d'un temps pas si lointain où la conduite sur route était encore un plaisir de tous les instants. Je me souviens que quand j'étais gamin, les limitations de vitesse étaient dix fois moins présentes : on n'était pas sans cesse obligés de modifier sa vitesse à cause des panneaux. Je sais bien que cela ne pouvait pas durer, que nous sommes trop nombreux pour conduire à l'ancienne. Mais nous vivons tout de même dans un monde de plus en plus aseptisé, dans un carcan de règles de plus en plus absurdes, imposées sous couvert de nous protéger. Je ne serais pas étonné que d'ici quelques années, l'on nous fasse carrément mettre un casque en voiture. Le pire, c'est que cette société ultrasécuritaire est fondamentalement contre-productive. Le développement des allergies le montre bien : celles-ci se sont propagées depuis que l'on récure nos maisons à grands coups de produits chimiques. Je pense que tout excès est malsain, et ce que nos chers ronds-de-cuir font avec la route est le parfait exemple de ce qu'est un excès. Si vous aussi vous aimez la conduite, voilà en tout cas le site par lequel je suis passé pour ce stage de pilotage à Mettet. Et si vous le faites, n'y allez pas mollo sur la pédale d'accélérateur : profitez à fond de cet instant trop court de liberté ! Plus d'infos sur ce stage de pilotage à Mettet en suivant le lien.


mardi 10 octobre 2017

Le groupe de pairs : une sociabilité juvénile ?

La visibilité dans les espaces publics des groupes de jeunes a conduit de nombreux observateurs à s’interroger sur les formes spécifiques de sociabilités juvéniles et à leurs effets sur la structuration des identités. Cette question importante nécessite toutefois d’éviter une série d’écueils qui sont à l’origine de la constitution de stéréotypes. Il faut d’abord éviter de chercher dans ces groupes l’explication des sociabilités des jeunesses des milieux populaires. C’est-à-dire à autonomiser le groupe, étudié en soi et pour soi. Les regroupements juvéniles ne prennent sens que dans l’ensemble des styles de vie - conformes (c’est-à-dire socialement approuvés et statistiquement probables) et déviants - dans lesquels ils s’inscrivent. Ce qui implique qu’il faut situer les pratiques de sociabilité juvénile étudiées par rapport aux pratiques familiales, scolaires, professionnelles et éviter de prendre la partie pour le tout ; les pratiques, les individus, les groupes observés au sein de telle cité pour ceux de toute la cité ; et la cité pour toutes les cités. Dans les nombreux travaux qu’il a mené sur les milieux populaires en France, Gérard Mauger a montré qu’on pouvait schématiquement les diviser en trois pôles distincts. Pour les uns, le monde social s’ordonne par rapport au capital économique détenu, pour les autres, par rapport au capital culturel, pour les derniers, par rapport au capital corporel (perçu sous l’angle de la force physique). Ces trois axes - capital économique, capital culturel, capital corporel - permettent de la sorte d’organiser l’ensemble des observations rassemblées tant sur les styles de vie « conformes » que sur les styles de vie « déviants ». Durant les années 1970-1980, les styles de vie « déviants » s’organisaient ainsi autour de trois figures types : « la bande », « le milieu » et ce qu’il nommait la « bohème populaire ». Les formes de sociabilité et les pratiques du monde des bandes - des « blousons noirs » aux « loubards » - « la culture anti-école », les vannes et « les bastons » (entre soi, entre bandes, avec la police), le vandalisme, les vols défis et les vols de subsistance, étaient non seulement communs à une large fraction des jeunes de milieu populaire, sous des formes plus ou moins euphémisées, mais se retrouvaient - à l’identique où le plus souvent transposées - dans le monde ouvrier adulte. Le principe unificateur de ces attributs, de ces consommations et de ces pratiques, caractéristiques du « monde des bandes » d’alors, n’est au fond rien d’autre que les « valeurs de virilité » associées à la valorisation de la force physique - force de combat ou force de travail - seule propriété qui puisse être mise en avant pour gagner le « respect » ou construire une « réputation », dans le monde viril des ouvriers jeunes ou adultes. Le monde des bandes apparaissait ainsi comme un univers d’apprentissage des conduites de virilité et l’apprentissage de la culture de bande, comme un préalable à la « culture d’atelier ». L’appartenance au monde des bandes était, en effet, presque toujours temporaire : à l’insertion dans le monde du travail correspondait une transformation des usages martiaux de la force physique en usages productifs, une conversion de la culture de rue à la culture d’usine, dont le mariage constituait à la fois un marqueur et un opérateur. Elle orientait les jeunes des bandes vers les métiers de force, métiers d’hommes, bastions de la classe ouvrière traditionnelle : industries métallurgiques ou minières, chantiers du bâtiment. De la même manière, « la valeur économique » est la formule génératrice de la culture du milieu. L’argent est au milieu ce que la force est au monde des bandes. S’il est vrai que la force physique comme force de combat et les qualités afférentes d’endurance et d’audace est une espèce de capital déterminante dans « le milieu » comme dans le monde des bandes (ne serait-ce que parce que « le milieu » se recrute, pour l’essentiel, parmi les ressortissants du monde des bandes qui « ont mal tourné »), la force de combat apparaît dans les bandes comme une fin en soi, alors qu’elle n’est, dans le milieu, que le moyen d’une fin. Dans le monde des bandes, l’excellence virile (caractéristique de l’ethos populaire au masculin) est à la fois l’enjeu des conflits et le critère de leur arbitrage. Dans le milieu, elle n’est qu’une ressource dans des luttes de classement dont la richesse est la mesure et l’enjeu. L’emphase et l’ostentation sont moins ici dans l’habitus corporelle que dans l’appropriation matérielle et symbolique des attributs de la représentation populaire de l’opulence. Quant au troisième pôle, c’est la bonne volonté culturelle qui est au principe de sa structuration. Il est incarné par des individus qui tentaient de s’immiscer dans la contre-société et de s’initier à « la contreculture ». De même que l’observation des attitudes et comportements du milieu donne à voir la représentation populaire de la richesse, de même l’observation de « la bohème populaire » permet d’objectiver une forme de dissidence culturelle propre à une fraction des jeunes de milieu populaire de l’époque : refus du travail salarié et de la consommation, affranchissement de la morale traditionnelle et humeur contestataire, goûts artistiques déclarés et pratiques culturelles revendiquées, prédilection pour les savoirs ésotériques et les drogues douces ou dures (censées libérer la créativité). Bref, un ensemble d’attributs, de consommations, de goûts et de pratiques qui apparaissent comme une version prolétarisée du style de vie propre à la bohème intellectuelle et artistique.