mercredi 24 janvier 2018

Quelques plaisanteries philosophiques

 Il y avait même des plaisanteries dans l'école sur ce sujet de l'infaillibilité du sage. Aristo de Chios, tout en faisant sécession sur d'autres questions, a tenu fermement au dogme que le sage n'a jamais opiné. Persée lui a joué un tour. Il a fait un de deux frères jumeaux déposer une somme d'argent avec lui et l'autre appel pour le récupérer. Le succès du tour ne fit cependant qu'établir qu'Aristo n'était pas le sage, aveu que chacun des stoïciens semble avoir été assez prêt à faire de son côté, car les responsabilités de la position étaient si fatigantes.  Il reste une caractéristique majeure du sage, la plus frappante d'entre toutes, et la plus importante du point de vue éthique. C'était son innocence ou son innocuité. Il ne ferait pas de mal aux autres et ne devait pas être lésé par eux. Car les stoïciens croyaient avec Socrate que la loi divine ne permettait pas à un homme meilleur d'être blessé par un pire. Vous ne pourriez pas plus nuire au sage que vous ne pourriez nuire à la lumière du soleil; il était dans notre monde, mais pas de cela. Il n'y avait aucune possibilité de mal pour lui, sauf dans sa propre volonté, et que tu ne pouvais pas toucher. Et comme le sage était au-delà du mal, il était aussi au-dessus de l'insulte. Les hommes pouvaient se déshonorer par leur attitude insolente envers sa douce majesté, mais il n'était pas en leur pouvoir de le déshonorer.  Comme les stoïciens avaient leur analogue au principe de l'assurance finale, ils l'étaient aussi à celui de la conversion soudaine. Ils ont soutenu qu'un homme pourrait devenir un sage sans en être au premier abord conscient. La brusquerie de la transition de la folie à la sagesse était conforme à leur principe selon lequel il n'y avait pas de milieu entre les deux, mais c'était naturellement un point qui attirait les restrictions de leurs adversaires. Qu'un homme fût à un moment stupide et ignorant et injuste et intempérant, un esclave et pauvre, et destitué, à l'instant un roi, riche et prospère, tempéré, et juste, sûr dans ses jugements et exempt de l'erreur, était une transformation, disaient-ils, qui faisait plus entendre les contes de fées de la pépinière que les doctrines d'une philosophie sobre.