lundi 31 août 2015

Migrants et le poids des mots

"Migrants" plutôt que "immigrants": les termes choisis pour décrire la situation des immigrés sur le sol français révèlent le rapport ambivalent de la gauche à l'immigration, partagée entre ses valeurs d'ouverture et sa volonté de donner des gages à l’opinion en matière de sécurité et d'emploi. Les termes utilisés à la suite de l'expulsion des immigrés clandestins installés dans la quartier de La Chapelle à Paris la semaine dernière, ont semberait-il été scrupuleusement choisis. Les termes "migrants" ont généralement été préférés à ceux d'"immigrants" ou de "sans-papiers". A quelle logique cela peut-il répondre ? J’y verrais personnellement un début de prise de conscience gouvernementale que le phénomène est amené à durer, alors même que le gouvernement n’a pas du tout le courage d’annoncer aux Français que nous sommes désormais pris dans la tourmente moyen-orientale et africaine. Si on était honnête dans la description de la situation de ces gens, je pense qu’il faudrait parler de "fuyards". Nous avons affaire à des gens qui fuient un sort peu enviable. Il faut comprendre que ces gens ne partent pas de leur pays par plaisir, par goût de l’aventure ou par ambition de vivre mieux, ils le fuient tout simplement. Le terme de "migrants" quant à lui est neutre, mais, au moins, il met de côté l’idée que ces gens ont choisi de partir de leur pays pour améliorer leur sort (immigrants) ou qu’ils sont prêts à enfreindre les lois pour ce faire (clandestins, sans papier). De fait, il n'y a guère de différence entre les discours de Valls et celui de Juppé sur les questions de l'immigration. L'un comme l'autre sont dans la maîtrise des flux migratoire tout en tenant un discours vague sur l'intégration. Valls ne peut pas trahir l'idée de la France de Mme Duflot pour laquelle la notion d'identité française est par ailleurs superflue. Pour Mme Duflot, comme pour l'opportunistocynique Cambadélis, la France n'est pas un pays : ce sont des valeurs, autrement dit leurs valeurs idéologiques de la gauche.Ces gens n'ont évidemment pas lu le grand sociologue Max Weber, ni le grand ethnologue Levi-Strauss ou alors il y a très lontemps. Les valeurs fussent-elles républicaines sont toujours relatives à d'autres valeurs qui peuvent leur être opposées. Jacques Julliard leur a d'ailleurs répondu dans un magnifique entretien donné au Figaro le 5 juin. Il s'inquiétait de la déclaration de Cambadélis qui a affirmé qu'il savait ce qu'était l'identité républicaine mais qu'il ne savait pas ce que signifiait l'identité de la France, ce qui est un peu embêtant. Jacques Julliard lui a répondu : "la France c'est une langue, une culture et aussi un territoire. Or un territoire qui est en permanence investi par des gens qui s'y installent alors qu'on ne les y a pas invité, cela s'appelle une invasion, laquelle par pailleurs peut-être pacifique". Le débat sur l'immigration est en passe de devenir central et la gauche sait qu'elle perdra les élections sur ce terrain si elle ne fait pas semblant d'afficher sa fermeté, quitte à perdre le soutien des hurluberlu de la gauche radicale et des écologistes.